Daniel THIAW – Plus qu’un monument, un arbre fortement enraciné
Il est rare de voir un arbre séculaire se déraciner, ce qui fait qu’on est forcément surpris quand cela arrive.
Daniel, cher grand frère et ami, la polyvalence qui s’attachait à ta personne et qui polarisait des segments d’activités si élitistes que pratiquement hors de portée des populations autochtones de l’époque m’interdit de t’identifier à un simple monument. Tu étais bien plus à mon avis ; je retiendrais, à la place, un gigantesque fromager dont les racines, profondément et solidement enfoncées dans le sol, présageaient plutôt d’une présence quasi-éternelle.
Dans ton cas, heureusement, seul le tronc a vacillé, les racines ayant pris l’option de renforcer leur ancrage aux fins de continuer à alimenter notre histoire commune, celle du sport automobile sénégalais qui te restera redevable à jamais. Ces facteurs de transcendance concentrés sur une seule et même personne constituent autant de limites, somme toute très réductrices quant aux élans du petit essayiste de circonstance que je suis. J’espère que la présente lettre, que j’ai choisi de t’adresser, n’en prendra pas un coup.
Daniel, cher grand frère et ami, pour toutes ces raisons et afin d’anticiper sur les inévitables manquements, je te prie d’excuser le dénuement du pâle résumé que j’ai la prétention de faire de ta vie, une vie dont chaque péripétie frise la légende. Te connaissant, je suis sûr que tu accepteras de m’accorder la liberté d’user, pour ce faire, du ton jovial qui te caractérisait en toutes circonstances.
Illustre athlète et éminent maître d’éducation physique des années glorieuses, tu as su forcer, par ton inébranlable volonté qui te servait de bélier, l’entrée de la forteresse du sport automobile qui, réputée inexpugnable jusque-là, n’ouvrait ses portes qu’à de rares élus dont, à première vue, tu n’étais pas.
Digne successeur des précurseurs que furent Iba GUEYE (fils du Président Lamine GUEYE), Babacar NGOM et son équipier (dont je peine à retrouver le nom), tu as su marquer ta différence avec les précités qui n’ont tenté l’aventure qu’une seule fois alors que toi, tu as inscrit ton action dans la durée, te faisant même un nom au plan international en tant que premier (et, à nos jours, unique) africain ayant osé affronter la mythique course des 24 heures du Mans. Par cet acte valeureux, tu t’es retrouvé, cerise sur le gâteau, porte-étendard de nombre de présidents de nos jeunes républiques d’alors, qui ont cru en toi et t’ont soutenu. L’autre différence avec tes prédécesseurs réside dans le fait que, fidèle à ta nature de « jusqu’au-boutiste » (dans le bon sens s’entend), tu as hanté toutes les écoles de pilotage de France et de Navarre pour maîtriser ton art.
Icône incontournable, tu as servi de modèle à tous les jeunes sénégalais de ma génération en démarrant ta saga au volant d’une minuscule Honda S 800 de très faible cylindrée (800 cm3). Ce petit poucet évoluant au milieu d’une meute de « gros cubes » montait très haut dans les tours et, par le biais de cette magie, berçait les nombreux « aficionados » avec la douce sonorité de trompète bouchée qui fusait de son échappement « quatre dans un ». L’intrépide chevalier que tu es n’a pas tardé à monter en puissance en enfourchant des montures prestigieuses dont l’Alfa Roméo Montréal et la Porsche, toutes étiquetées, jusqu’alors, chasse gardée des pilotes étrangers qui, pendant l’intersaison en Europe, venaient tâter le macadam du circuit Jean Colombani abusivement appelée l’Autoroute. Notons au passage, pour le déplorer, que rien que cette dénomination à forte connotation communautaire a fini, à elle seule, d’en faire la propriété de tout le monde, au grand dam des potentialités de développement réelles qu’il portait en lui.
Généreux à n’en plus pouvoir, tu as suscité et, au-delà, boosté les velléités de bon nombre d’entre nous. A cet égard, il est bon de rappeler que c’est Issa Laye NIANG qui a hérité de la S 800 qu’il a pilotée avec brio l’année suivante, après l’avoir préparée de sa main, sans aucune assistance. Pour ma part, je me souviendrai toujours de mon premier critérium que j’ai couru avec le même Issa, où tu n’as pas hésité à marcher jusqu’à la remontée en épingle du Front de terre, y restant et m’encourageant inlassablement du geste et de la voix à chacun de mes passages pour, au final et comme marque de ta satisfaction, m’offrir ton casque à mon arrivée aux stands. Et que dire de nos retrouvailles à trois, Issa, toi et moi, tous les jours après le travail au « Rond-Point » sous prétexte de savourer un café revigorant mais, en réalité, pour rêver ensemble en nous projetant inlassablement dans l’avenir.
Daniel, cher grand frère et ami, tout comme moi, tous ceux qui ont eu à te côtoyer doivent avoir jalousement gardé, dans un coin de leur mémoire, des souvenirs et/ou anecdotes attachés à la montagne de gentillesse au sourire et au rire faciles que tu étais. Chacun d’eux aurait donc pu se substituer à moi pour parler de toi et, peut-être, en mieux, tellement les chapitres du livre ouvert que tu es sont innombrables. Je demeure convaincu de ce que, quel que soit l’orateur, moi en premier, le discours ne sera jamais que poussière face à tout ce que tu as réalisé et à tout ce que tu représentes.
C’est à l’aune de ces dernières assertions que je mesure l’honneur que m’a fait le Président Abdou THIAM en me demandant de prononcer cette oraison, sans peut-être savoir que l’envie de le faire me rongeait et, mieux, que le devoir de mémoire m’y contraignait. C’était donc, pour dire le moins, incontournable.
Daniel, cher grand frère et ami, j’aurais aimé pouvoir continuer à te parler de toi et de nous tous, mais dois me résoudre à faire mienne cette maxime selon laquelle « à chaque jour suffit sa peine ». Suspendons donc la séance d’aujourd’hui et, en attendant une autre occasion de la reprendre, je me tourne vers le Tout-Puissant pour lui demander de t’Accorder pleine rémission de tes péchés et de t’Accueillir en Son Paradis Firdaws. Qu’il Lui plaise, par ailleurs, de donner à ta nombreuse postérité, de sang comme de cœur, la force d’endurer et, surtout, de prier régulièrement pour toi.
Fraternellement
9 décembre 2020 à 12:22, par KHADIDJA NIASSE
on est trop fière de toi grand père repose en paix
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26 décembre 2018 à 14:11, par Elimane KANE
Les grands hommes marquent leur existence mais leur souvenir reste toujours gravé dans la mémoire collective ! Chapeau bas, mon oncle. Que Janatul firdawssi soit ta demeure éternelle.
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15 décembre 2018 à 12:51, par thiaw
Tu reste toujours grave dans mon cœur je t’aime papa
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9 décembre 2018 à 12:46, par GUILLON Ansdre Emmanuel
salutations de la haute savoie
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