Ousmane Gueye : un portrait, deux passions...

Figure majeure de la sculpture sénégalaise, respecté dans les grandes métropoles occidentales, Ousmane est ce sculpteur musicien qui a ouvert la voie et suscité une vocation chez bien des artistes de la nouvelle génération.

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À la recherche incessante de l’universel, de ce qui est permanent et essentiel, des vérités qui se cachent dans le noyau des choses, l’œœuvre colossale d’Ousmane Gueye est un art de concentration intellectuelle, de concept, de concision presque mathématique et de sobriété.

Son art est exprimé fortement, esthétiquement et avec quelle virtuosité ! Dans le souci quasi obsessionnel de fournir à chaque fois un chef-d’œuvre.

S’il est vrai qu’Ousmane Gueye est quelqu’un qui jouit d’une grande notoriété et d’un immense prestige hors de nos frontières, il n’en demeure pas moins que cet artiste aux multiples facettes tarde à gagner ses lettres de noblesse dans son pays le Sénégal, pour lequel il manifeste un attachement et un amour certains et où il souhaite réaliser du « Monumental ».

C’est dans sa maison, sise à Ouagou Niayes II, quartier qui l’a vu grandir, et en présence de sa famille et de sa collaboratrice que l’artiste accepte de nous recevoir et de revenir sur sa longue et féconde carrière, sur ses projets, son pays. Sitôt que sa femme a fini de nous installer, magie de cette téranga sénégalaise, il nous tutoie, sourit et se confie.

Né à Dakar au Sénégal, Ousmane a commencé à sculpter sur la pierre vers l’âge de 6 ans. Lors du Festival des arts nègres de 1966, feu le président poète Léopold, fasciné par ses créations, décide de lui octroyer une bourse pour aller poursuivre sa formation à l’école nationale supérieure des Beaux-Art de Paris.

Le développement de son art le mènera à l’Académie des arts de Rome pour étudier l’architecture et au Henry Moore Fondation en Angleterre.

Il aura parcouru les quatre coins de la terre à la recherche du matériau pour son art : bois d’ébène, marbre, bois de crocodile, alabastre, basalte… pour ne citer que ceux-là, mais aussi pour des audiences et des sites pour son travail. Il vous dira lui-même que l’artiste n’a pas de pays. Et comme le disait si bien Claude Lévi-Strauss « Chaque culture reste authentique en s’enrichissant au contact des autres ».

Entre les expositions aux quatre coins du monde, les productions, la variété de son travail, les étapes de sa vie qui peuvent marquer l’unité de son œuvre, les prix gagnés, les médailles, les formations, il y a déjà plus qu’assez pour remplir des catalogues entiers.

L’impulsion essentielle derrière l’homme… La forêt bleue

Créateur insatiable, averti, fin observateur et très attentif à la nature, il nous explique que c’est de ce respect pour l’arbre qui tient une place capitale dans notre existence qu’est née son projet « La forêt bleue ».

Dans les années 80, la mécanisation intensive de l’agriculture française a fait que beaucoup d’arbres ont été coupés « J’en avais récupéré une bonne partie pour leur donner une seconde vie, avec une intervention de la couleur bleue sur le volume pour en faire une sculpture monumentale. Non seulement je ne coupe pas les arbres, mais je leur redonne une seconde vie en les sculptant. J’avais même prévu quelque chose dans ce style à Nguekokh parce que c’est un endroit magnifique avec des baobabs. J’entendais en faire un site féerique digne de ce nom, un lieu incontournable au Sénégal. »

Indépendamment de ses projets, soit pour un collectionneur privé ou une organisation publique, l’œuvre d’art de Ousmane complémente dans toute sa splendeur l’environnement pour lequel elle a été destinée. « J’ai la chance d’avoir participé à des unités de valeur et d’avoir des certificats sur l’aménagement urbain, l’environnement, la maquetterie au sol, l’ingénierie… ».

Depuis une quinzaine d’années Ousmane vit au pays de l’oncle Sam où il possède une galerie d’art du nom de PCOG (traduisez Paula Coleman and Ousmane Gueye Gallery). « Depuis 7 ans, je sculpte les trophées des Women in Music aux USA » nous explique-t-il.

Devant les œuvres qu’Ousmane nous a donné d’apprécier à travers les photos, il se dégage à chaque fois la vision d’un infini spirituel et le sens de la forme se manifeste avec une extrême mesure.

Le substrat culturel du pays semble être bien ancré dans l’inconscient d’Ousmane ce qui immanquablement transparaît dans ses œœuvres.

Une des caractéristiques ici est un équilibre réussi entre le calme et l’agitation, le principe métrique et le principe dynamique ; il est donc normal qu’il débouche sur l’austérité, la sévérité, une grande retenue. La séparation des volumes plus ou moins marquée est cette caractéristique essentielle de la sculpture africaine qui permet de faire naître ces forces extracorporelles. Tout cela se résout dans l’évidence plastique d’une construction résolument formelle, une « mise en rythme », ce qui nous ramène toujours à la même constatation : ici, la force est accumulée plutôt que canalisée selon le jeu des forces corporelles physiques.

L’extraordinaire capacité d’invention qui s’exprime à travers les concepts formels est d’autant plus impressionnante. On sait que dans l’art africain, Picasso admirait la conception formelle plutôt que la qualité de certains objets individuels.

L’artiste semble avoir trouvé sa voie dans « l’universel » et, pour s’en convaincre, il vous suffira de contempler ses œuvres. Chacune des pièces créées par Ousmane présente un jeu variable de formes et de couleurs. Entre ses mains expertes, les mutations s’opèrent, le matériau perd sa nature froide, se libère de son destin amorphe, rigide, et offre au regard et au toucher différentes factures obtenues grâce au travail de la surface.

Quant à l’expérience esthétique que partagent le créateur et le spectateur, elle relève d’une vision intuitive et métaphorique qui questionne notre propre mode d’appréhension du réel.

Ousmane Gueye est un concentré d’académisme.

La série d’arbres sculptés à Harlem témoigne une fois de plus de la grande inspiration de l’artiste.

Cette série faite du bois de crocodile – à cause de l’écorce écailleuse – trouvé dans Bali en Indonésie commémore une communauté d’Africains qui ont vécu à New York dans les années 1900 et dont on a découvert des cimetières il y a quelques années à Manhattan.

On ne peut pas manquer de voir la ressemblance du travail aux os ; ceci, dira Ousmane, pour donner une deuxième vie à ces gens, cela coïncide avec mon idée de donner une seconde vie aux arbres. Je crois au destin, car en allant à Bali, ce n’était pas avec l’intention d’acheter ce bois.

La musique

Pour Ousmane, sculpture et musique semblent trouver un point de convergence en ce sens qu’elles font appel à la sensibilité de l’individu. Il refuse de s’amarrer dans un style et trouve dans la musique un moyen pour exprimer ses rêves tourmentés.

Homme d’ouverture aux identités multiples, Ousmane dit faire beaucoup de recherches dans la musique et travaille depuis un certain temps sur 300 textes et chansons, pour lesquels il est toujours à la recherche d’un concept, d’une harmonie.

« Ma base musicale est partie du Rythm’n blues et je recherche des instruments soft comme la kora  , le tama, j’aime particulièrement la flûte guinéenne ; mais je travaille soigneusement le tempo et les rythmes tout en abordant des thèmes qui peuvent parfois paraître révolutionnaires. Je n’arrive toujours pas à expliquer pourquoi ma musique n’atteint pas les hits car je joue avec des professionnels de la musique aux USA. »

Sa discographie est déjà riche de deux albums (Xam-Xam - Knowledge, Dakar in Harlem) et d’un single en faveur des Lions lors de la coupe du monde en Asie.

« Je compte mettre sur le marché un nouvel album cet été …Le dernier étant toujours considéré comme le meilleur. »

La musique d’Ousmane est un mélange savamment dosé de sonorités d’ici et d’ailleurs dans lequel instruments traditionnels et modernes font bon ménage. Il existe ici une osmose parfaite entre les nombreux instruments et la voix est harmonieusement utilisée pour véhiculer des messages et des thèmes comme le savoir qu’il faut partager, le sens de la famille, l’amour, la justice, la conjoncture économique et bien d’autres encore.

Ses projets

Malgré son long séjour à l’étranger, l’artiste n’a pas perdu ses repères et de sa fibre patriotique. « Je suis encore habité par ces vertus sénégalaises que sont le ‘Diom’ et le ‘kersa’ qui me font toujours retourner dans mon pays…D’ailleurs je compte faire de ma maison un petit musée où il sera donné au visiteur de voir des choses originales. Malheureusement bon nombre de mes projets sont plagiés et mal exécutés ».

Ousmane donne quelques leçons de morale, appelle au civisme et exhorte ses compatriotes au travail, à l’amour de la patrie et déclare qu’il faut cesser de voler l’état.

En bon croyant, Ousmane convoque les principes sacro-saints de sa religion, rappelle que les choses sont éphémères et dénonce ce qu’il appelle ce « monopoly » qui fait que le système est verrouillé et il n’y a pas de place pour tous ces gens qui veulent bien faire.

« S’il y a de grands projets, il faut mettre des gens d’expérience capables de les faire aboutir et de les mener à bon terme ».

« Forêt bleue, Dakar ville verte, Têtes livres (premier prix Lang Stone Hughes aux Usa) sont autant de projets que j’ai élaborés et que les gens essaient de reprendre sans succès. Je dois travailler sur une quarantaine de sculptures d’ici 2006 et comme cela va coïncider avec le centenaire de Senghor nous verrons s’il y a moyen de faire quelque chose. »

« Je ramène de l’albâtre cristallisé, dans la plupart de mes œœuvres sur la corniche, la pierre a rétréci du fait de la porosité du matériau. Ça ne tient pas longtemps dehors. » L’artiste nous confie préparer trois manifestations aux USA (Baltimore, Florida, New York), à Tokyo, en France avec l’ouverture de la grande exposition.

Dans ses projets immédiats Ousmane compte réaliser en France un auditorium en ardoise massif dans le style des amphithéâtres grecs, un lieu que des artistes du monde entier viendront visiter.


Voir en ligne : Le221, mensuel de culture et de sports au Sénégal

Ibrahima Thiombane

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  • sn

    Slut cheıkh ousmane Pape makhtar m"a parle tes œuvres

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    Domou senegal lı lanouye sentou cı moom, alhamdou lıllah.

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