"A quoi tient le hasard ? A quelques cartons rouges en guise
de tickets-restaurant. Il faudrait toujours se méfier de la couleur
du sang. A la moindre écorchure, il coule dans une cascade de
vermillon, laissant peu de place à la survie. Il creuse le sillon des
larmes."
Dans un salon du livre, Sarah Castan dédicace son premier
roman. Elle fait la connaissance de Martin Dolbec, un auteur à la
réputation établie.
Subjuguée par cet homme, elle occulte délibérément la
complexité de son caractère, l’ambiguïté de son attitude ainsi que
les zones d’ombre qu’il entretient autour de son personnage.
"Il aurait pu dire n’importe quoi, elle aurait ri car c’était à lui
qu’elle souriait, au foulard parfumé d’absinthe et de
citronnelle légèrement poivrée. Elle était amoureuse. Légère,
déliée, elle riait, elle riait, se persuadant de la réciprocité de cette
émotion particulière et délicieuse qui rend un peu bête et annihile
toute retenue."
Fragilisée par cette relation tortueuse, elle trouve une oreille
attentive auprès d’Adrien, son grand-père de substitution. Il bine,
il sarcle, il plante et il parle aux oiseaux. Philosophe, il lui dit que
ces moments tout simples le rapprochent du sacré, de l’essentiel et
que c’est ainsi qu’elle doit entrevoir la vie. Le bonheur tient à si
peu de rien.
- Adrien, tu m’apprendrais à l’apprivoiser le si peu de rien ?
J’ai peur de ne pas être très douée. Dès que je le frôle, il s’éclipse.
Il m’en veut peut-être de ne pas avoir la main verte.
– Jardiner, ça s’apprend Sarah, à toutes les saisons et à tous
les âges.
Nadine Prudhomme
Nadine Prudhomme partage sa vie entre la
France et l’Afrique. Ce brassage culturel lui avait
inspiré des deux précédents romans : Tam-Tam
Sénégal et Taxi-Blues. Pour son troisième roman,
Passé simple, qu’elle situe sur les bords de la Loire,
elle change de registre avec un roman psychologique
où elle se plaît à disséquer, au scalpel, les émotions
de tous ses personnages.