Des corps de femmes
enceintes,
sans tête ni bras,
taillées en douilles,
cuillères et fourchettes
se tiennent
debout sur un sol jonché de métal, détritus,
de crânes de singes défoncés, forgés
dans du fer… « Elles viennent de loin »,
l’installation du plasticien congolais,
Freddy Tsimba, rappelle avec force la
misère et le dénuement engendrés par la
guerre qui a meurtri ce vaste pays de
l’Afrique centrale deux fois plus grand que
le Sénégal. Mais, elle cristallise surtout les
regards au rez-de-chaussée du Musée
Théodore qui abrite depuis vendredi,
l’exposition internationale de cette 8ème
biennale de l’art africain contemporain.
D’abord pour sa force thématique, la
guerre et ses méfaits un sujet plus d’actualité
dans en Afrique. Ensuite, par sa
démarche esthétique, faite d’audace et
d’ingéniosité. A deux pas, une vaste toile
orne un pan mural de l’édifice. Elle
appelle, à travers un dialogue intimiste
entre coupures de presse et des cadenas
ornés de clefs, vivement à un « grand
débat » franc et sincère, selon son auteur
Babacar Niang, sur l’épineuse question de
l’immigration clandestine.
« Il y a beaucoup
de bruits autour de sujet mais pas
encore un vrai débat », martèle l’artiste.
Les extraits d’articles de presse sont, pour
lui, une invitation claire aux médiats à parler
sans tabou ni censure de l’immigration
clandestine. Et leur choix n’est pas si fortuit
que ça car ces articles titillent les
consciences sur l’incertitude de la vie en
Europe, faite d’aléas, et parfois de surprises
désagréables.
Toutefois, il reste convaincu que les solutions,
qu’il symbolise par les clefs, existent.
Mais, prévient Babacar Niang, « tant que
les frontières seront fermées, il y aura toujours
des candidats à l’aventure ». Mieux,
il ambitionne avec ses clefs de briser justement
ces frontières là qu’il estime virtuelles
et non naturelles. Au-delà de cette
volonté, Babacar Niang s’interroge s’il faut
vraiment partir…
Au premier étage, le
vaste hall d’exposition est lui tout aussi
garni d’œuvres aux écritures picturales
variées : peinture, scuplture, vidéo, installation…
Trois êtres, tétanisés par la souffrance,
crient les douleurs en rivant les
yeux vers le ciel, comme pour implorer le
secours du tout puissant. Cette création de
Jems Kokobi traduit, avec émotion, l’horreur
du Darfour. « Quand on souffre on
pense à Dieu. Au Darfour, il n’est plus visible
parce que caché par la fumée de la
guerre », professe le sculpteur ivoirien,
basé à Essen en Allemagne.
Non loin de
là, une jeune photographe camerounaise,
Angèle Etoundi Essamba invite, via cinq
photographies de femmes du Zanzibar, a
jeter un nouveau regard sur le voile, à voir
ce tissu comme « un objet mystique et
mystérieux » et non comme un « symbole
d’enfermement », quand N’Dary Lo
appelle, à travers son installation « la
muraille verte », à l’édification de l’arbre,
donc de la verdure. « Là où c’est vert il y
a la paix », clame le co-lauréat du Grand
Prix Léopold Sédar Senghor du Dak’Art
2008.
Au total, une vingtaine de plasticiens
met en lumière au Musée Théodore
Monod d’art africain, des œuvres qui invitent
l’Afrique à une introspection sur ellemême,
histoire d’exorciser ses démons et
vaincre ses préjugés pour scruter l’avenir
avec plus d’espoir et de détermination. Et
peut-être, comme l’a si bien souhaité le
président Wade, « donner une tournure
positive à l’afro-pessimisme ».