Victor Diagne « Aujourd’hui, je serai franc avec vous en vous donnant un scoop… »

Ange Marie Victor Diagne n’a pas attendu longtemps pour intégrer et s’imposer en équipe nationale à la fin des années 89/90, comme pour confirmer l’adage : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années ».

Publié le 26 juin 2007  

Très polyvalent, ce teigneux produit des navétanes a vite atteint les hautes sphères du foot sénégalais. Des « navétanes » à l’équipe nationale du Sénégal en passant par le championnat national de première division avec les verts et blancs du « Jaraaf » de Dakar et une carrière internationale qui l’a mené successivement en Belgique et en Arabie Saoudite ; l’enfant de Ouagou Niayes aura marqué plus d’un par son but d’anthologie lors de Sénégal’92 ou de ses tirs à 35 mètres. Aujourd’hui, à 36 ans, il garde ses allures de jeunesse qui le laissent encore sur les terrains du dimanche, sans doute pour maintenir la forme. Victor Diagne, qui a maintenant arrêté sa carrière internationale, compte partager son expérience avec la jeune génération.

Il revient avec nous 15 ans après sur ses débuts en équipe nationale, Sénégal’92, l’épisode de Monaco, entre autres points abordés.

Le 221 : Lors de la Can 92 organisée par le Sénégal, vous intégriez l’équipe nationale comme le plus jeune joueur convoqué par Claude Leroy. Qu’est ce que cela avait suscité en vous ?

Victor Diagne : Beaucoup de plaisir car cela m’avait permis d’acquérir une expérience qui m’a beaucoup servi plus tard. Aujourd’hui que les gens s’en souviennent, c’est toujours réconfortant. En tant que jeune joueur local, c’était un grand challenge de participer à une coupe d’Afrique des nations organisée par mon pays et dans un groupe essentiellement composé de joueurs professionnels. Et quelque part, c’était un chemin tracé vers mon rêve c’est-à-dire le professionnalisme. Il fallait travailler très dur pour se frayer une place parmi des joueurs aguerris. Heureusement qu’on avait le temps de nous préparer sur 2 ans pour emmagasiner une capitale d’expérience.

Le 221 : Comment avez-vous vécu la pression lors de la 1ère sortie des lions contre le Nigeria ?

V. D. : Je n’avais jamais vécu une telle pression. Je me rappelle que je tremblais à l’échauffement à cause de la boule que j’avais au ventre. Heureusement que le coach Claude Leroy avait vite décelé ça et m’a beaucoup parlé pour me motiver. Quand on avait suivi la télévision à l’hôtel vers midi, le stade de « l’Amitié » était plein à craquer et le match devait démarrer à 18h ; il fallait supporter cette pression plus de 5 heures avant le match (Il rigole). J’étais confiant tout de même, malgré qu’on ait pris un premier but à la première mi-temps. De retour des vestiaires, nous avions égalisé très tôt ; ce qui nous donnait le temps de mettre un 2ème but ou de maintenir le résultat. Malheureusement, on encaissa un 2ème but alors que nous contrôlions le match. Sans rien vous cacher, je m’étais automatiquement dit que nous étions éliminés. Au tirage des poules, c’était clair que le 2ème devait affronter le Cameroun, qui était une équipe de grands compétiteurs. Et pourtant avec un nul, nous pouvions nous en sortir. L’équipe comptait une dizaine de joueurs qui avait déjà dépassé la trentaine ; ce qui ne nous avantageait pas face à des Camerounais physiquement au top. Cette faiblesse nous a fait perdre cette « Can ». Ensuite, il fallait se remobiliser pour affronter le Kenya. Sous un score de 3 buts à zéro, nous nous en étions quand même sortis sauves. Le troisième match, c’était inexplicable. Avant le coup de sifflet, il régnait une autre ambiance au sein de l’équipe avec les problèmes qu’il y avait eu entre nos gardes du corps et les camerounais.

Le 221 : Le deuxième match, vous marquiez votre premier but en coupe d’Afrique et en équipe nationale…

(Il coupe)

V. D. : J’ai failli marquer lors du premier match contre le Nigéria sur un contrôle que j’avais raté devant le gardien. Ce but contre le Kenya, je ne l’oublierai jamais de ma vie. Si les gens me reconnaissent, c’est grâce à ce coup de tête que j’avais réussi à placer au fond des filets ce jour-là.

Le 221 : Quinze ans après, quel regard jetezvous sur le foot national aujourd’hui ?

V. D. : Je jette deux regards. Quand nous étions en équipe nationale, nous avions une équipe composée par une base locale. Des joueurs qui, à l’image de l’entraîneur étaient très conscients de ce qui les attendait. Aujourd’hui, nous n’avons même pas une équipe locale capable de rivaliser avec une équipe de la sous région. Dans les années 89/90, nous avions un championnat très régulier ; les stades étaient remplis. Aujourd’hui, si vous allez au stade, vous avez envie de vous endormir tellement que c’est nul. Le niveau de jeu est faible. Il n’y a pas une équipe capable d’aligner 4 ou 5 passes à part l’As Douane. Ce qui explique que lors des compétitions olympiques ou dans les autres catégories, c’est difficile de regrouper une vingtaine de joueurs. Les coachs sont obligés de faire appel à des expatriés qui ne sont même pas certains de répondre. La question qui se pose c’est « est ce qu’on travaille même dans les clubs ? ». Aujourd’hui, il n’y a plus aucune régularité au niveau du championnat qui est resté longtemps sans être joué. Tous ces facteurs font qu’on est obligé de faire tout le temps appel aux professionnels ; et pourtant le pays regorge de joueurs de talent capables de défendre les couleurs nationales même s’ils n’ont pas eu la chance d’être des professionnels. La 2ème chose, il faut considérer l’équipe nationale comme un symbole ; donc il faut faire valoir d’abord un certain état d’esprit avant de l’intégrer. Il faut être exemplaire et savoir qu’au-delà du talent, il faut des qualités nobles. Maintenant hélas, tout le monde peut revêtir le maillot national…

Après Sénégal’92, les portes du professionnalisme s’ouvrent pour vous mais l’épisode de Monaco a fait couler beaucoup d’encre…

(Il coupe)

V. D. : Il y a eu beaucoup de mensonges sur mon contrat avec Monaco. Les gens se sont payés le luxe de mentir comme s’ils ne croyaient pas en Dieu. Aujourd’hui, je serai franc avec vous en vous donnant un scoop. De toute façon, il fallait que je lâche le morceau un jour ou l’autre. Sans citer de nom, je dirai que Monaco, c’était purement un deal pour permettre à une personne malade de se soigner. Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose à partir du moment où le contrat ne m’arrangeait pas. En plus, il voulait que je signe comme amateur. Beaucoup de gens n’avaient pas compris, s’en prenant à mère. Je me rappelle encore qu’il y avait à l’époque un journaliste qui avait écrit que c’était l’argent qui posait problème, et pourtant j’ai signé en Belgique un contrat moins valorisant mais qui présentait beaucoup plus de garantie.

Le 221 : Après l’épisode de Monaco, vous avez finalement signé en Belgique puis en Arabie Saoudite, comment ont été ces deux expériences ?

V. D. : En Belgique, j’ai acquis de l’expérience qui m’a beaucoup servi quand j’étais en Arabie Saoudite. En Germina Ekeren, je me suis bonifié en rigueur, en physique et aussi en forgeant mon mental ; ce que je n’étais pas certain de pouvoir acquérir si j’étais ailleurs. Et quand j’ai rejoint l’Arabie Saoudite, ça m’a surtout aidé et m’a permis d’être sacré meilleur joueur, 2ème meilleur buteur, etc. Ce qui m’intéressait, c’était d’arriver à faire de ma passion, un métier qui me permettrait de m’en sortir. Quand j’étais en Belgique, j’avais beaucoup perdu culturellement et religieusement parlant. L’Arabie Saoudite m’a restitué tout ceci et m’a permis d’être conscient et constant dans ma religion. Car c’est une priorité chez moi.

Le 221 : En dépit de votre séjour glorieux en Arabie Saoudite, d’aucuns décrient la faiblesse de niveau du foot saudien…

(Il rit à grand éclat)

V. D. : Demandez à Jules Bocandé qui le disait s’il maintient toujours sa thèse. Quant il était entraîneur, il disait qu’il ne ferait pas appel aux joueurs du Golf parce que le niveau est faible. Je lui en veux toujours pour ça. Sur la route du mondial 2002, l’Arabie Saoudite avait infligé une défaite sanglante aux lions et je suis convaincu que cela leur a permis de se remettre en question pour se préparer davantage avant de connaître une belle phase de coupe du monde. Si j’étais à sa place, je n’hésiterais pas à présenter toutes mes excuses aux joueurs qui évoluaient dans le Golf. Son rôle, c’était plus tôt de donner le bon exemple et non de dénigrer.

Le 221 : Qu’a représenté Claude Leroy pour vous ?

V. D. : Si j’ai pu croire qu’un jour je serai un joueur professionnel, c’est grâce à lui. En réalité, je lui dois beaucoup. Si je faisais d’aussi belles prestations en équipe nationale, c’était en grande partie pour lui faire plaisir. J’ai connu beaucoup d’entraîneurs dans ma carrière mais Claude était quelqu’un qui sentait ses joueurs ; c’était un meneur d’hommes en quelque sorte. Je ne parle pas simplement pour moi mais pour tous ses joueurs qu’il encadrait.

Le 221 : Quels sont vos rapports actuels ?

V. D. : Nous avons d’excellents rapports ! De temps à autre, j’ai de ses nouvelles. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c’était ici à Dakar lors du match amical Sénégal / Rdc à la veille de la Can égyptienne.

Propos recueillis par Alex Gaye

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