La joie des locataires concernés par la loi portant sur la baisse de loyer n’aura pas été de longue durée. Quelques mois après l’application de la loi, la guerre a été déclaré entre de nombreux bailleurs et leurs locataires. Les uns exigeants la baisse effective de leur location, et les autres refusant de se conformer à la loi. Alors que certains bailleurs respectent cette décision, d’autres utilisent des subterfuges pour ne pas perdre de l’argent. Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal conscient des lacunes de cette loi songe déjà à la réviser.
De nombreuses contestations
Mais alors qu’est ce qui n’a pas marché dans ce projet qui semblait être la solution au problème de la location si chère au Sénégal ? Les statistiques officielles, assez parlantes depuis l’adoption de la loi, sont pourtant loin de la réalité sur le terrain. Depuis 2014, il a été enregistré au total 5 773 cas de contestations de locataires sur 200 000 logements en location : 2 890 cas en 2014, 1 996 cas en 2015 et 887 cas de janvier à septembre 2016. Des contestations qui ont pour noms : refus de baisser les coûts, menaces d’expulsion, etc. Le nombre élevé de contestations prouvent la difficulté à faire respecter cette loi.
Sur le terrain, c’est la croix et la bannière aujourd’hui pour se loger. Les prix ont doublé, dans certains quartiers. En banlieue où l’on pouvait louer une chambre à 15 000 francs par mois, vous ne pouvez plus avoir un contrat à moins de 25 000 FCFA pour la même chambre. Les studios dans les zones comme Liberté 6, Mermoz et même Sacré Cœur qui vous revenaient entre 90 000 FCFA et 120 000 FCFA, se louent aujourd’hui uniquement entre 150 000 FCFA et 200 000 FCFA.
Une pareille somme pour un deux pièces (chambre, salon, cuisine) est tout simplement choquant. Selon des courtiers rencontrés : « Les propriétaires aujourd’hui font la loi. Quand les clients nous font des reproches, nous leurs disons que nous ne faisons que suivre les instructions des bailleurs. Même nous, trouvons ça abusé » La raison ? L’insuffisance de logements par rapport à la forte demande à Dakar et dans tout le pays entraînant la spéculation. Malgré le décret sur la baisse des loyers, les taxes prélevés sur le secteur n’ont pas été diminuées (l’impôt sur les revenus fonciers, la TOM, l’impôt sur le foncier bâti, la TVA sur les loyers mensuels).
Surface corrigée : une mesure qui n’est pas respectée
Un autre problème se pose dans le terme de surface corrigée, talon d’Achille de la loi sur la baisse du loyer. Selon le cadastre, la surface corrigée est la mesure des surfaces réelles du sol, application des coefficients de correction (vue, ventilation…), identification des éléments d’équipement, sommation ensuite, appréciation de l’état d’entretien du bien et de son âge, application du prix au mètre carré à la surface corrigée totale pondérée du local.
Pourtant au Sénégal, une grande partie des propriétaires ne se base pas sur ce calcul pour définir le loyer, et n’ont jamais été inquiétés malgré le décret n°77-527 du 23 juin 1977 relatif au montant du loyer des locaux à usage d’habitation qui exigeait aux bailleurs de louer sur la base de la surface corrigée. La nouvelle loi légalisait donc ce qui a été jusque-là considéré comme illégal avec son intitulé « Projet de loi n° 04/2014 portant baisse des loyers n’ayant pas été calculés suivant la surface corrigée. »
En légalisant les locations sans recourir au calcul suivant la surface corrigée et en se contentant d’établir des fourchettes de prix sans aucune distinction liée au standing, à la zone d’habitation ou encore à la position d’habitation, l’Etat encourage et à la limite légalise la spéculation’’, explique un expert. Pour les courtiers et agents immobiliers, si les loyers commencent à être définis par rapport à cette surface corrigée, les prix de loyers risquent de flamber encore plus dans certaines zones. D’ailleurs on se rend compte que de plus en plus de construction se calent sur ces normes pour accroitre les prix de la location.
Pour en savoir plus, le lien suivant donne en détails les informations sur le calcul des loyers à usage d’habitation : http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article10137