Au Sénégal, on vit ensemble… et on se taquine beaucoup : voyage au pays du cousinage !

S’il y a un pays où l’on peut se faire traiter d’“esclave”, de “voleur de bétail”, de “sorcier” ou de “mangeur de couscous” sans que personne ne s’offusque, c’est bien le Sénégal.

Ici, les rapports entre communautés reposent sur une étonnante alchimie : un mélange de respect profond, de complicité ancestrale… et de taquinerie organisée. Car être Sénégalais, ce n’est pas seulement partager un territoire : c’est accepter de se faire appeler “cousin” par un inconnu à peine croisé, et de répondre avec le sourire.

Les ethnies : une mosaïque colorée… et très bavarde

Wolofs, Sérères, Peuls, Toucouleurs, Diolas, Mandingues, Soninkés, Balantes, Manjaques, Bassaris, Bédiks… Toutes ces communautés cohabitent depuis des siècles, chacune apportant sa langue, sa mémoire, ses coutumes et un sens certain de l’humour.

Les Sérères occupent le cœur du pays — et parfois le cœur des blagues. Les Peuls, reconnaissables à leur élégance légendaire, restent souvent associés à la vie pastorale ; les Diolas dominent les rizières et le fameux bunuk ; les Mandingues et Bambara sont cousins avant même de s’annoncer. Quant aux Wolofs, ils ont un talent bien à eux : réussir à se sentir cousins avec tout le monde. Difficile, en effet, de résister à un Wolof qui ouvre la conversation par un irrésistible : “Xanaa seereer nga ?”

Veillée culturelle sérère au Sénégal.

Cousinage à plaisanterie : un humour qui rassemble

Le Sénégal a développé un mécanisme social remarquable : le cousinage à plaisanterie.
Ce pacte culturel, transmis de génération en génération, autorise une forme d’insolence codifiée, bienveillante, destinée à rapprocher plutôt qu’à diviser.

Entre Peuls et Sérères, Diolas et Sérères, Camara et Dabo, Ndiaye et Diop, ou entre deux inconnus portant des patronymes “alliés”, tout peut devenir prétexte à une joute verbale.

Quelques classiques que l’on entend dans toutes les régions du pays :

“Sa buur laa !”Je suis ton roi.

“Sama jaam nga.”Tu es mon esclave.

“Jola kaldu rek la bëgg.”Le Diola ne mange que du kaldu.

“Seereer cere dong !”Le Sérère, lui, vit de couscous.

“Peul kay sew lañ ko xame.”Le Peul ? On connaît sa minceur…

“Camara, moom doomu baadoolo la !”Ah, Camara… fils d’esclave !

“Dabo, toi-même tu sais !”Une formule qui parle d’elle-même.

Et, presque toujours, cela s’achève dans les rires.

Pêcheurs lébous sur une pirogue de pêcheurs à Soumbedioune

Des histoires et des alliances symboliques

Les relations ne reposent pas uniquement sur l’humour. Elles s’ancrent aussi dans des récits fondateurs :
– la légende d’Aguène et Diambogne entre Diolas et Sérères,
– des migrations communes entre Peuls et Sérères,
– ou encore des alliances patronymiques anciennes : Ndiaye–Diop, Sène–Faye, Cissé–Touré, Guèye–Seck, entre autres.

Au quotidien, cela se traduit par des scènes typiquement sénégalaises : dans un bus, au marché ou en ville, il suffit d’entendre un nom comme “Ndiaye” pour qu’une conversation pleine de plaisanteries s’engage entre parfaits inconnus.

Pourquoi ce mécanisme fonctionne-t-il ?

Parce qu’au-delà des plaisanteries, le cousinage à plaisanterie repose sur :

  • une histoire partagée,
  • une reconnaissance de la différence,
  • une volonté réelle de vivre ensemble,
  • une solidarité profondément enracinée,
  • et un sens de l’humour interethnique très assumé.

Taquiner quelqu’un, ici, revient souvent à dire :
“Je te reconnais, tu fais partie de nous.”

Jeunes filles lors du boukout de Baïla, en 2006.

Un humour qui soude une nation

Les rapports entre ethnies au Sénégal ne sont ni figés ni distants : ils sont chaleureux, vivants et portés par un humour constant. Le cousinage à plaisanterie n’est pas une simple tradition folklorique : c’est une véritable stratégie de cohésion sociale, un facteur de stabilité, un mécanisme de médiation populaire…

Au Sénégal, personne n’échappe au sourire d’un cousin.

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