Le Grand Théâtre rebaptisé : un hommage controversé

Le 2 janvier dernier, le Conseil des ministres a accueilli favorablement le projet de décret présidentiel visant à rebaptiser le grand théâtre national de Dakar au nom de Doudou Ndiaye Coumba Rose, le célèbre tambour major sénégalais qui a porté haut les couleurs de son pays à travers le monde.

Publié le 14 janvier 2020  

C’est lors des obsèques du Tambour major en 2015 que le projet avait été annoncé par l’artiste-chanteur et homonyme du défunt : Doudou Ndiaye Mbengue. Désormais, le Grand Théâtre national portera le nom du célèbre maître-percussionniste.

Le Grand Théâtre

Cette initiative sonnant comme un vibrant hommage semble pourtant être une transgression des dernières volontés de l’artiste qui aurait, selon des membres de sa famille, prévenu énergiquement qu’il ne souhaitait aucun hommage posthume. Ce refus de distinction serait un acte d’engagement du Tambour Major, qui était révolté par le fait que la communauté artistique du Sénégal, depuis quelques années, serait victime d’une indifférence notoire de la part des autorités étatiques.

Nombreux sont en effet, les grands noms du monde de l’art sénégalais qui, après avoir fait briller la scène culturelle du pays, se sont lentement éteint hors du feu des projecteurs, souvent malades, embourbés dans le dénuement et oubliés de leur public et pire, de leur pays.

Doudou Ndiaye Rose

Les artistes étaient autrefois considérés

Pourtant, le monde de l’art a connu de très beaux jours au Sénégal. En effet, sous le régime du président-poète Léopold Sédar Senghor, les artistes bénéficiaient d’une grande considération et d’une attention particulière. Les institutions culturelles étaient des viviers créatifs où naissaient et se construisaient des carrières artistiques internationales et une véritable industrie créative étaient mise en place afin de permettre aux acteurs du monde de l’art de vivre de leurs talents.

Depuis quelques années pourtant, cette époque semble complètement révolue et la communauté artistique pousse de temps en temps des coups de gueule assez faiblement entendus, lorsque l’un de ses membres se retrouve dans une situation précaire, ou décède tragiquement, suite à une longue maladie pas assez prise en charge, faute de moyens financiers conséquents.

On se souvient encore du grand Douta Seck, comédien hors pair, qui a magistralement interprété la célèbre Tragédie du roi Christophe lors du fameux Festival des Arts nègres organisé par le président Senghor en 1966. Ce virtuose du Théâtre sénégalais, a fini sa vie malade et dans une pauvreté absolue. Sa famille assure ne recevoir aucun pécule de l’état, même si le l’artiste a laissé son nom au plus grand centre culturel de Dakar. Les grands noms du monde de la culture aux fins tragiques pourraient se suivre ainsi et se succéder, laissant presque croire qu’une sorte de malédiction plane sur le monde des artistes au Sénégal.

L’immense Doudou Ndiaye Rose

Avec toute cette amertume, on comprend parfaitement que l’immense Doudou Ndiaye Rose ait décidé de poser un dernier acte d’engagement en faveur de sa communauté avant de s’éteindre. Lui qui a sillonné le monde pour faire découvrir l’art de son pays, a pu, plus que tout autre, voir la place que l’Art et les artistes ont dans les différents pays qu’il a pu visiter.

Pour rappel, Doudou Ndiaye Coumba Rose s’est fait remarquer la première fois, le jour de la cérémonie officielle de célébration de l’indépendance du Sénégal, le 4 avril 1960, accompagné de plus de 100 tambourinaires. Il exercera plus tard comme pédagogue de rythmique à l’Institut national des arts de Dakar et sera chef-tambour des Ballets nationaux. Doudou Ndiaye Rose fera ensuite de nombreux festivals dans le monde, participera à des bandes son à succès, se produira lors de nombreux spectacles et collaborera tout au long de sa carrière avec des artistes de renom tels que France Gall, Allan Stivell, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Peter Gabriel, The Rolling Stones, etc.

Compositeur prodige et technicien avant-gardiste, Doudou Ndiaye Rose a créé la toute première école de percussion du pays à Dakar, où il enseignait les rythmes et s’est lancé pour la première fois au Sénégal, dans la formation d’un orchestre entièrement composé de femmes percussionnistes. Il décèdera le 19 août 2015 à l’âge de 85 ans

Alors, malgré la polémique autour de la récente décision de l’état sénégalais de donner le nom du Tambour Major au Grand Théâtre national de Dakar, ce parcours illustre justifie parfaitement le choix des autorités. Le maestro le vaut bien !

Grand théâtre national Doudou Ndiaye Rose

Carrefour Cyrnos x Boulevard de l’Arsenal
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Marième Kane.

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