Le paradoxe sénégalais : un géant du phosphate aux terres agricoles appauvries

Le Sénégal, reconnu comme l’un des principaux producteurs de phosphate en Afrique, fait face à un paradoxe déconcertant : malgré cette richesse minérale, ses terres agricoles souffrent d’une fertilité décroissante.

Publié le 30 décembre 2024  

Selon le rapport ITEI 2022 : Le phosphate de chaux des ICS à TAIBA avait des réserves de 50 millions de tonnes pour une production de 2 millions de tonnes par an destinée à la production d’acide phosphorique.

Une production de phosphate en plein essor

Entre Thiès, Tivaoune, Taïba, Tobéne, Lam-Lam, Mekhé, Matam, Gossas, Coki, Diourbel, Niakhène, Kébémer, Louga, Tamba, Kolda, Kaolack Fatick, ou encore Kédougou, les réserves de phosphate du Sénégal sont estimées à plus d’un milliard de tonnes. Ce secteur joue un rôle crucial dans l’économie nationale. Avec une production annuelle de 2,6 millions de tonnes, le pays se positionne parmi les leaders africains de cette ressource stratégique.

Plusieurs acteurs majeurs dominent cette industrie :

Les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) : Après une période de difficultés, cette entreprise a retrouvé son dynamisme grâce à un investissement du groupe Indorama. Les ICS produisent annuellement entre 1 et 1,8 million de tonnes de phosphate naturel et emploient plus d’un millier de personnes. Selon le rapport ITEI 2022 : Le phosphate de chaux des ICS à TAIBA avait des réserves de 50 millions de tonnes pour une production de 2 millions de tonnes par an destinée à la production d’acide phosphorique.

Baobab Mining and Chemical Corporation SA (BMCC) : Située dans la région de Thiès, cette société a commencé sa production en 2016 avec une capacité annuelle initiale de 700 000 tonnes, visant à atteindre 1,2 million de tonnes.

Société Minière de la Vallée du Fleuve (SOMIVA) : Entrée en production en 2015, Somiva contribue significativement à l’offre nationale de phosphate, avec une capacité annuelle de 700 000 tonnes, prévue pour atteindre 1,2 million de tonnes. La société opère à Matam dans la partie nord-est du bassin. La réserve est découverte depuis 1984, elle est estimée à plus de 135 millions de tonnes.

L’ambition du Sénégal est de porter sa production à 5 millions de tonnes d’ici 2026, afin de se hisser dans le top 3 des producteurs africains de phosphate.

Les phosphates du Sénégal

Des sols agricoles en déclin

Malgré l’abondance de phosphate, les terres agricoles sénégalaises subissent une dégradation préoccupante de leur fertilité, menaçant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs.

Selon une étude de l’USAID, les sols sénégalais sont caractérisés par une faible disponibilité en nutriments essentiels, notamment en azote et en phosphore, entravant la production agricole et nécessitant une restauration urgente de leur fertilité.

Afrique Science, dans une étude récente menée dans les Niayes de la commune de Kayar révèle une dégradation physico-chimique notable des sols, caractérisée par une augmentation de la salinité, une acidification et une diminution de la matière organique, compromettant ainsi la productivité agricole de cette zone clé.

Face à cette situation critique, il est impératif de mettre en œuvre des stratégies de gestion durable des terres, incluant l’utilisation efficace des engrais, la promotion de pratiques agroécologiques et la restauration des écosystèmes, afin de préserver la fertilité des sols et assurer la sécurité alimentaire du pays.

Un programme de transformation prometteur, mais des défis persistants

Conscientes de cette contradiction, les autorités sénégalaises ont lancé un programme ambitieux visant à transformer localement le phosphate en engrais adapté aux besoins des agriculteurs. L’objectif est de rendre ces intrants plus accessibles et abordables, afin de revitaliser les sols et d’améliorer les rendements.

Cependant, les agriculteurs continuent de dénoncer le coût élevé des engrais sur le marché. Par exemple, un sac d’engrais NPK 10-10-20 est vendu à 25 000 francs CFA, tandis que le sac d’urée de 50 kg oscille entre 40 000 et 50 000 francs CFA.

Cette situation met en lumière la nécessité d’une meilleure accessibilité aux fertilisants pour les producteurs locaux. Ce projet de transformation locale du phosphate en engrais abordables sera sans nul doute une grande source de soulagement pour les cultivateurs. Seulement, il faudrait d’abord que le Sénégal ait d’abord une maîtrise totale sur son secteur minier.

Lors du sommet Mining on Top Africa, le 4 juillet à Paris, le ministre sénégalais des Mines et du Pétrole, a souligné la dépendance des pays africains, notamment le Sénégal, envers les nations exploitant leurs ressources.

Vers une agriculture durable grâce à l’agroforesterie

Face à ces défis, des initiatives émergentes pour promouvoir des pratiques agricoles durables. L’Association pour la Promotion de l’Agroforesterie et des Arbres Fertilisés (APAF) œuvre pour l’intégration d’arbres fertilitaires dans les systèmes de culture, contribuant ainsi à la restauration de la fertilité des sols de manière écologique et économique.

Bien que le Sénégal dispose d’une richesse minérale significative en phosphate, la dégradation reste une préoccupation majeure. L’enrichissement des sols inclut des pratiques agroécologiques et le soutien accumulé aux agriculteurs, afin de garantir une agriculture durable et prospère.

Formation avec APAF

Cheikh Ndiaye

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