Tyara est un Bassari, du moins c’est comme cela que les Européens
nomment son peuple, établi aux confins du Sénégal oriental et du nord
de la Guinée. Mais Tyara se nomme lui-même un Beliyan, c’est à dire
un « être humain ». C’est important car en quittant son village,
Tyara n’aura plus beaucoup d’occasion de rencontrer des êtres
humains.
L’aventure tragique de la traversée du désert et de la mer, la
clandestinité, ne suffisent pas à le décourager... S’il a pu survivre
à ces épreuves, il pourra travailler au pays des blancs !.. Mais c’est
sans compter avec les fauves de la jungle urbaine.
La solidarité des émigrés et l’amitié d’un collègue ouvrier ne
suffiront pas...
Le caméléon, l’animal sacré des Beliyan, ouvrira les yeux de Tyara...
éd. roymodus, décembre 2009, 88 pages, 16 € TTC
La dédicace de Manu Dibango
« L’Africain Blanc, jusqu’au bout de la plume, souvenirs de ces instants passés ensemble, en Afrique et ailleurs. Souvenirs d’un trait fin et majestueux, celui de la plume d’Edoardo. Souvenirs d’une pochette de disque (album Waka juju), une œuvre superbe, aux traits caractérisés, de loin ma plus belle pochette de disque à ce jour. Tu es un génie, mon frère ! »
Edoardo Di Muro
Edoardo Di Muro est Italien de naissance mais Africain de cœur. L’Angola, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, l’Afrique du Sud, le Gabon, le Togo, le Nigéria, le Bénin .... n’ont plus de secret pour lui. Plus de secret, certes, mais toujours autant d’émerveillement car l’Afrique est merveilleuse. Après tant d’années de pillages, de destructions, d’anéantissements, l’Afrique est toujours là, tumultueuse, charmante et heureuse...
Au delà des problèmes récurrents du passé, Edoardo Di Muro montre dans ses histoires et ses dessins les enjeux de ce continent face à la mondialisation. Pour peu que les visions du reste du monde ne soient pas trop étriquées, l’Africain saura bien se défendre des religions, des économies et des produits de la globalisation.
11 décembre 2020 à 08:21, par ALLIBERT Michel
Bonjour
Dans les années 1940 j’ai appris à lire dans « L’épopée coloniale Française ». Hier soir j’ai eu grand plaisir à suivre les deux premiers épisodes de « Noir et Blanc ».
Le Sénégal nous est montré dans les divers aspects de la situation des années 20-30 jusqu’aux prémices de 39-45.
J’ai beaucoup apprécié l’évocation parallèle du Sénégal, le griot qui conte à son auditoire le temps où c’était un grand royaume. Celle des multiples aspects de la colonisation. L’officier qui porte sa fidélité et son estime aux anciens tirailleurs née dans les tranchées de 14-18. La voracité de certains colons qui cherchent à exproprier de leurs terres les légitimes propriétaires. Ceux, tels le Gouverneur et les militaires qui s’attachent à développer le pays en favorisant les stés coopératives de pêche ou de cultures d’arachides. La tenancière du « club de ces messieurs ». Cherchant à apporter la culture et Baudelaire à ses pensionnaires afin de mieux les marier. Les diverses influences, « corses, juives et francs-maçons ». Sans oublier le prélat catholique. Les projets de développement et les efforts d’attraction sur les métropolitains. Les personnages en formation tel Léopold Sédar Senghor fier de devenir le premier agrégé Sénégalais, adepte de Césaire.
Bref, une évocation sympathique de l’histoire du Sénégal et de ceux qui l’ont faite.
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26 juillet 2011 à 06:23
Edoardo di Muro nous donne à voir dans « Noir et blanc en couleurs » (éditions roymodus) ce que traditionnellement les Européens ne voient pas, ou ne veulent pas voir.
Parce qu’il a vécu plus de trente années en Afrique, muni de son crayon à illustrer la vie africaine, dans ce vaste continent, Edoardo di Muro a su croquer des tranches de vie et ressentir le vécu des Africains.
« La richesse n’est pas ce que tu possèdes mais ce qui t’entoure ». Et riche Tyara l’ai dans cette histoire de migrations qui traversent l’Afrique et l’Europe. Riche des aventures, des rencontres et des deuils. N’Gozy, la prostituée qu’il devra protéger de la pègre. Ablay encore imprégné de la guerre civile de son pays et qui suit les préceptes du Prophète jusqu’à brûler la bière dans son corps. Franco, l’Européen, mal dans sa peau, harcelé par sa mère. Un commissaire de police, plus malin qu’un singe. Kouyalin, le médecin de brousse, qui met à contribution ses malade pour faire les travaux des champs. Mama Stella, la maquerelle, qui bricole du vaudou pour tenir son clan de bras cassés et effrayer les gazelles trop naïves.
Tyara est comme le reste de son peuple, animiste. Il doit se défendre du prosélytisme des religions du livre. Il sait que tout se tient et que les êtres sont reliés entre eux et au monde dans lequel ils vivent. Les Européens ont inventé la montre mais les Africains ont inventé le temps. Un temps qui rempli l’espace et qui permet au caméléon, l’animal sacré, de relier les gens entre eux. Un caméléon-téléphone, que la pensée cartésienne ne peut concevoir et qu’elle voudrait, à défaut de détruire, assimiler.
Tyara est un initié que les esprits rappellent, pour à son tour, initier les jeunes. Les futurs chasseurs devront comprendre le monde saturé de sens. L’animal sacré, le caméléon, transformera ces nouveaux-nés en hommes, les Beliyan.
Comme tous les Africains, Tyara comprend très rapidement les rouages de la société européenne. Insupportable en Europe et criminelle en Afrique. Une troisième voie se dessine à l’aube de ce millénaire. La voie de la nature, non pas maîtrisée, mais écoutée et entendue. Le caméléon, avec la fabuleuse capacité d’adaptation à son environnement, ne tranche pas entre le noir et le blanc, il s’exprime dans l’arc-en-ciel.
La palette de couleur d’Edoado di Muro nous donne une bande dessinée qui est autant de tableaux à chaque page. Le parti pris a été de rendre les bulles quelque peu transparentes pour remettre au premier plan l’illustration. L’expressionnisme du trait, les lignes frontières, participent de l’impression de vivacité et de mobilité des scènes. Aucune image ne peut être plus animée qu’elle ne l’est déjà. Les personnages sont dans la parole et le geste. Leurs corps sont tendus dans l’action et figés dans le sens. La technique d’Edo est d’une singulière précision anatomique et remarquablement descriptive pour l’environnement. Les pages sont jaunes dans le désert, vertes dans la forêt, bleues dans la nuit et rouges dans le sang. Les peaux noires ont une amplitude chromatique sans pareil. Les animaux ont la finesse et la concision du trait. Chaque personnage y joue son rôle individuellement et la scène entière rassemble le dessin comme un cliché photographique. Improbable pour un Européen, mais tellement réelle pour celui que s’est déjà trouvé à marcher dans un quartier de Dakar ou de Douala.
Voilà donc le premier volet des aventures de Tyara le Bassari, parti puis revenu. Persuadé que si ses amis européens le comprennent mieux, quelque chose en Afrique sera moins en danger, sera plus protégé. Le sentiment que lire l’histoire d’un Africain dans une bande dessinée, en Europe, c’est aussi prendre en compte l’histoire de l’Afrique dans sa réalité. C’est ce que pense Edoardo di Muro, c’est ce que permet le caméléon, l’animal sacré.
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29 décembre 2009 à 13:35, par jacques cezard
Merci pour cet article très chaleureux !
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