Projet d’unité de dessalement des Mamelles : une menace écologique et sociale inquiétante

La Plage des Mamelles (quartier de Ouakam, Dakar), site géologique classé, est menacée par l’implantation d’une unité de dessalement d’eau de mer, dont le démarrage des travaux est prévu au mois de janvier 2018 pour s’achever en 2021. Ce projet inquiète et suscite des protestations.

Publié le 8 février 2017  

Depuis le phare, regard vers l’Ouest

Ce site industriel, d’une capacité de production 75 000 m3/jour, d’un coût de 135 milliards FCFA (dont 40 milliards financés par la coopération japonaise) et mis en œuvre par la SONES, comprendra non seulement l’usine de dessalement sur 4 ha, à 100 m du phare, mais aussi une station de pompage d’1 ha sur la plage. Selon le gouvernement, cette usine, une première au Sénégal, initialement prévue dans la région de Louga (APIX, 2014), permettrait, en renouvelant 460 km de réseaux de distribution, de répondre aux difficultés d’accès à l’eau. Le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement prévoit en effet que le déficit d’eau potable atteindra 200 000 m3/j en 2025 et 390 000 m3/j en 2035.

Le gouvernement justifie ce choix par le fait que le site des Mamelles est proche des zones de consommation.

Les riverains soulèvent plusieurs problèmes

Une pétition contre ce projet ,qui avait déjà suscité des protestations en 2015, et soulève tant des problématiques écologiques que d’urbanisme, circule en ce début d’année. De nombreux inconvénients sont mis en avant.

Le processus de traitement de l’eau induit un rejet de saumures concentrées au double de la salinité naturelle en mer, qui peut provoquer la raréfaction des ressources halieutiques, dommageable pour les pêcheurs de la zone.

C’est le problème principal soulevé par les 12 000 usines de dessalement qui existent dans le monde (le Qatar produit ainsi 99 % de son eau potable). Même si le courant marin les disperse, il peut provoquer la désertification de certaines zones marines comme en mer d’Arabie. Le captage de l’eau en mer modifie aussi les flux maritimes, et abîme les fonds marins.

La pollution par les produits chimiques (chlore) nécessaires à l’entretien de l’usine. Selon les procédés utilisés, d’autres inconvénients s’ajoutent. La distillation provoque le rejet d’eaux chaudes en mer. Ce déséquilibre des températures agresse la faune et la flore marine. Les installations peuvent laisser échapper des traces de cuivre, par corrosion chimique des installations de tuyauteries.

Les vibrations et bruits de la station de pompage, la pollution olfactive et atmosphérique…

Les usines de dessalement d’eau de mer impliquent aussi un coût énergétique élevé, qui peut être maîtrisé si on utilise les d’énergies renouvelables au lieu des combustibles fossiles,. Certaines expériences d’usines de dessalement solaires sont menées dans la région d’Abu Dhabi et au Maroc

Le coût élevé de ce mode de production d’eau potable ( 2 à 4 fois plus cher que le prix actuel de l’eau au Sénégal.

A savoir aussi qu’à ce jour il n’existe aucune législation spécifique internationale sur la potabilité de l’eau issue de ces traitements. Le dessalement d’eau de mer, même si c’est une pratique qui se répand dans le monde, est donc problématique sous bien des aspects. Des alternatives existent, comme le recyclage des eaux usées, qui permettraient de produire durablement le même volume d’eau potable : cette solution serait moins coûteuse et d’un impact environnemental moindre.

Plage et phare des Mamelles

Alors où va-t-on ?

Cette usine rendrait donc impossible sa fréquentation de la plage des Mamelles, lieu de loisirs et de départ d’un parcours d’escalade, qui fait l’objet d’un projet d’intégration dans un géoparc. Un lieu aussi où se déroulent traditionnellement des cérémonies religieuses.

Les riverains, qui ont tenté en vain d’interpeller les mairies de Dakar et de Ouakam, rappellent que l’implantation d’une telle usine à moins de 500 mètres d’habitations existantes est interdite par le Code de l’environnement et que la loi sur les sites et monuments historiques proscrit toute défiguration du paysage. Pour finir, le Plan directeur d’urbanisme de Dakar y proscrirait toute installation industrielle….

Il est vraiment surprenant que sur les 530 km de côtes sénégalaises, le seul endroit choisis pour cette exploitation soit cette plage, une des plus populaires, emblématique de Dakar, sans parler du Phare et de sa magnifique vue sur la presqu’île. Mais il est aussi peu probable qu’à ce stade, à un an du début des travaux, le site soit épargné, malgré les protestations des riverains.

Que dit la mairie de Dakar ?

Nous avons contacté la mairie de Dakar qui nous a informé avoir été dessaisie, depuis 2014, de sa mission de protection du littoral de la capitale au profit des mairies des communes qui ont la responsabilité des constructions qui s’effectuent sur leurs territoires, sans avoir toujours le personnel technique qualifié pour évaluer les projets sous tous leurs aspects, y compris environnementaux. Elle déplore que le littoral de la presqu’île soit menacé à terme par des projets immobiliers de toutes sortes.

Pétition : Non à l’unité de dessalement

Laure Malécot. Sources : ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, https://www.facebook.com/plagemamelles/?fref=ts, Wikipédia

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