Classée au patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco, la ville de Bordeaux et sa région sont jalonnées de traces architecturales, urbanistiques et culturelles issues de cette rencontre qui a duré plus de quatre siècles et donc, modifié les usages et les coutumes locaux.
La visite du « Bordeaux nègre » se fait à pied, en six étapes, du Palais de justice à la place des Quinconces en passant par la place de la Bourse. Plusieurs dimanches par mois, de 11h à 13 h. Cette balade raconte l’histoire universelle de la liberté, de l’esclavage, de l’exploitation mais aussi de la résistance.

On apprend beaucoup. Quelques chiffres d’abord pour Bordeaux, deuxième port négrier français : 500 navires pour 150 000 esclaves déportés. À comparer avec Nantes, le premier port, qui a son mémorial : 1 700 navires et 400 000 esclaves.
On entend ainsi Le « Code noir » de Colbert qui considérait l’esclave comme « une marchandise ». On découvre la mode des « négrillons » dans la bonne société bordelaise, pour la parade dans les rues. Avec cette grande bourgeoise qui curieusement enfanta d’un enfant noir et qui s’expliqua en affirmant qu’elle avait « trop mangé de chocolat ».
On imagine la traversée à fond de cale des esclaves, nus pour des raisons sanitaires, mourant en grand nombre, se révoltant ; la peur des Africains de l’intérieur des terres qui, capturés, voyant pour la première fois des hommes blancs, les observant boire du vin rouge, croyaient qu’il s’agissait de sang.
On observe les mascarons aux traits africains sur les façades place de la Bourse, souvenir de cette époque où les bateaux partaient dans la liesse car ils promettaient un retour en fortune.
Karfa Diallo, président de la Fondation du mémorial de la traite des Noirs, évoque les armateurs négriers bordelais, les grandes fortunes bien connues (Saige, Balguerie, Portal...), mais aussi les abolitionnistes du mouvement des Girondins, ces Bordelais qui n’acceptaient pas l’esclavage.
Karfa Diallo n’oublie pas de dire le rôle essentiel des chefs africains dans la traite, qui capturaient et échangeaient. Il rappelle aussi l’esclavagisme mené par les Arabes durant presque quatorze siècles qui a déporté de dix à douze millions d’esclaves, hommes, femmes et enfants. Autant que la traite occidentale, plus intensive et liée à l’industrialisation, en quatre siècles.
Pas de lamentations ou de culpabilisation, mais une histoire, des faits et les détails d’un commerce qui fit la richesse de Bordeaux et sa région au XVIIIe siècle. Et donc celle d’aujourd’hui. Ce dont on ne parle pas, ou si peu.