Le quartier populaire de la Médina à Dakar est depuis très longtemps habité par l’art : en témoignent ses murs, souvent ornés de graphs, et le nombre d’artistes qui y vivent et s’en inspirent. Sous l’impulsion de Ndoye Douts, Cheikha, Moussa Traoré, Ibrahima Diokhane, [Lamyne M-http://www.lamyne-m.com/], Samba Fall et Babacar Doli, ont donné à l’Espace Medina une nouvelle allure, en l’ornant de centaines de cravates d’occasion, donc pleine de leurs histoires particulières, et d’autres vêtements.
La cour, dont les murs parlent, accueille une installation de Cheikha, vertigineuse et aérienne. Des formes suspendues, d’un rouge vif, interpellent.
Sur le sol de la salle d’exposition tapissé de sable bleu, les sculptures de Cheikha déclinent une forme douce. Ce sont, explique-t-il, des planches de bois utilisées par les poissonniers, qui avec le temps se creusent, ce que l’artiste a accentuée légèrement avant de laisser libre cour à son inspiration en rouge, ou noir et blanc.
Depuis les tableaux de Ndoye Douts, toujours inspirés par la Médina de Dakar, à ceux de Babacar Doli qui dessinent l’humain comme en mouvement, aux vêtements d’occasion qui habitent l’espace de présences anonymes, « Nous dans Nous » est « habitée », émouvante.
Suspendue au bout d’une chaîne, au fond de la salle, discrète, une sculpture de Lamyne M rappelle des talismans usuels. L’artiste, inspiré par la notion du sacré qu’il connaît pour avoir eu un grand-père marabout, a, pour cette création, collaboré avec des marabouts peuls, dont il connaît la langue et les coutumes, en tant que Peul du Cameroun. Alors que, dans la crypte de la Basilique de Saint-Denis, en France, il expose actuellement aux côtés des gisantes de grandes robes de plus de 10 mètres de haut, Lamyne M présente là une installation minimaliste, forte en signification. S’inspirant des multiples talismans dont les émigrants se dotent pour se donner de l’assurance dans leur périple, il en a élaboré un qui les regroupe tous, dans une bouteille, tout en respectant les marabouts et leurs sciences, qui n’ont pas ont pas mit de contenu vraiment sacré. Au visa refusé officiellement se substitue le « visa donné par le marabout ». « L’espoir est plus haut que la déception », dit-il.
« Nous dans nous », inscrite dans la réalité quotidienne des populations, est à l’image du Off de Dak’art. L’art s’expose partout, ouvert à tous, invitation à chaque citoyen à se perdre, se reconnaître, dans une émotion, une évocation. Hommage à ceux qui sont partis, ceux qui sont là et supportent patiemment le quotidien, porteuse d’espoir et de douceur, c’est une exposition profondément citoyenne, bienveillante, amicale, à ne pas négliger.
Espace Médina
Rue 33 x 10, Médina / 77 506 87 73 - jusqu’au 5 juin.