Dans le Fouta, les instituteurs n’ont pas la vie facile

Thienel, un petit village de brousse situé à 65 km à l’est de Podor compte environ 400 habitants. Parmi eux, nous rencontrons Diaw et Fall, les deux instituteurs de l’école élémentaire. Tous deux originaires de la ville, ils se sont retrouvés mutés dans le Fouta du jour au lendemain.

Publié le 25 mai 2015   4 commentaires

Maître des CE2, CM1 et CM2, Diaw est originaire de Dakar. Il est muté à Thienel par l’éducation nationale en 2002. Depuis, sa femme et ses deux plus jeunes enfants vivent en ville. Ses deux aînés l’ont cependant rejoint dans le Fouta l’été dernier. « Lors de mes retours en ville, j’ai constaté qu’à presque 10 ans mes jumeaux ne maîtrisaient ni la lecture, ni l’écriture. Leur enseignant semblait se tourner les pouces ! J’ai alors décidé de les emmener avec moi afin de garder un œil sur leurs apprentissages » raconte-t-il.

Bienvenue dans le Fouta

Fall, en charge des CI, CP et CE1, est quant à lui originaire de Saint-Louis. Il a débarqué à Thienel en 2008. « J’ai eu énormément de mal à m’habituer à la vie de la brousse. Le plus difficile étant la chaleur, les températures atteignent souvent 50 degrés. Une autre barrière est celle de la langue : je parle français et wolof. Or, ici, la plupart des villageois ne connaissent que le Pular, ça crée pas mal de problèmes pour communiquer. Ensuite, on est loin de tout. Rejoindre Saint Louis nécessite plus de 8 h de voyage en charrette, pirogue et bus. Si on doit se rendre d’urgence dans notre famille, il faut compter deux jours : le temps d’organiser puis de réaliser le voyage. C’est extrêmement contraignant. Et enfin, le village ne dispose pas de l’électricité. Lorsque que comme moi on vient de la ville, on est presque dépendant de l’électricité. J’ai mis des mois à m’habituer à évoluer dans l’obscurité une fois le soleil couché. C’était la galère, mais aujourd’hui lorsque je rentre à Saint Louis, la lumière des réverbères me dérange ».

École de Thienel

Diaw enchaine : « On est coupé du monde ici. Quand on rentre en ville, c’est comme si on sortait de prison. On doit se réadapter à la mode, au langage, aux médias, etc. On passe presque pour des idiots. »

Leur ville natale respective leur manque. Leur mutation pour y retourner enseigner, Diaw et Fall la demandent chaque année. Mais à Dakar comme à Saint-Louis, les postes vacants sont rares. L’obtention d’une mutation dépend de plusieurs critères : l’ancienneté, la zone demandée, le nombre d’enfants à charge et enfin une note personnelle de l’inspection. Tous deux patientent et espèrent. Leur tour viendra, ils en sont persuadés.

Le fossé entre la ville et la brousse

Enseigner dans la brousse n’est pas évident. Au delà de l’inconfort, la faiblesse des moyens fournis par l’Éducation nationale ne facilite pas la tâche des maîtres. « On manque de matériel. Je dois enseigner des sciences ou de l’éveil en faisant des dessins à la craie » raconte Diaw. Ses élèves n’ont par exemple jamais vu d’ordinateur de leur vie. Pourtant, le programme impose de connaître les composants d’un PC. « Je dessine l’écran, le clavier et la souris au tableau. Ils mémorisent, mais je ne suis pas certain que mes croquis les aideront à reconnaître un véritable ordinateur ! » S’ils en ont un jour l’occasion, espérons-le.

C’est quoi un ordinateur

« Les enfants des villes sont beaucoup plus éveillés. Alors qu’ici, certains élèves de dix ans n’ont jamais quitté le village ! Lors d’une leçon, je les interroge : De quelle couleur est le goudron recouvrant les routes ? Une élève ne savait pas répondre, elle ne connaissait que les sentiers de terre ! » s’exclame-t-il.

Sachant que la première route goudronnée n’est qu’à 8 km du village, cet isolement est effectivement éloquent.

C’est sûr, s’il déménagent prochainement, l’aventure Thienel aura marqué la vie des deux instituteurs. « On apprend beaucoup quand on vit dans la brousse » admet Diaw. « Nous, on est sorti de la ville, on a vécu la misère et la vie difficile. Quand on revient en ville, on est véritablement changé. On connaît la valeur des choses, les bonnes manières, etc. On se comporte différemment ! »

« Si tu enlèves la chaleur, Thienel c’est l’idéal » ajoute Fall. « La vie peu chère, les grands espaces, la gentillesse des villageois, etc. Thienel c’est presque le paradis » conclue-t-il en riant !

Bérénice Vanneste - berenice.vanneste @ gmail.com

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  • sn

    Merci de vos encouragements

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  • sn

    Du courage messieurs,
    ces sénégalais de thienel ont aussi besoin d’enseignants qualifiés. Votre métier n’a pas de prix mais une valeur inestimable, . c’est le tout-puissant qui vous revaudra vos efforts.

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  • sn

    Décidément pour tous les jeunes enseignants, les premiers postes sont les plus difficiles ! Etre jeune enseignant en France, c’est à coup sûr, un poste en banlieue avec la violence et les incivilité qui vont avec... Mais c’est aussi, comme ça, qu’on teste notre engagement à faire le plus beau métier du monde. Bon courage dans la chaleur du Fouta !

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  • cm

    Bonjour, moi c’est abdouraman du Cameroun, originaire de la Région de l’Adamoua dans la partie septentrionale du Cameroun, je vis actuellement à Yaoundé la capitale camerounaise.
    C’est vraiment drôle l’histoire de M.Fall et Diaw originaire de Saint-Louis et de Dakar qui ont du mal à s’adapter au debut dans le Fouta et finisse par s’adapter.Je constate qu’en afrique plus précisement entre le Cameroun et le Sénégal les réalités sont presque les mêmes car pour tout fonctionnaire originaire des parties méridionales ( Sud, Ouest et Littoral) du Cameroun au début quant t’ils sont affecté dans le Grand-Nord Cameroun sont confronté aux problème de langue presque toute la population ne parle que le foulfouldé et de culture presque tous musulmane contre le Grand-Sud chrétienne finisse par s’adapter et parle même le foulbé et à la fin d’autres finissent par s’installer définitivement même après avoir pris la retraite du fait de l’hospitalité légendaire et de la vie paisible dans la zone.
    Cordialement je vous remerci.

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